C’est dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investigation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Chien 51 a reçu le Prix du roman des Écrivains du Sud 2022.
Chien 51 a été élu roman français préféré des libraires – Palmarès Livres Hebdo 2022.
Chien 51 a reçu le Prix Imaginales des bibliothécaires 2023.
« Plus personne ne savait vers où fuir. Lui était tétanisé. Il ne pouvait plus quitter des yeux ce spectacle horrible. Il savait qu’il faudrait des heures pour retrouver les victimes et les compter. Des heures pour évacuer la zone et organiser le secours des blessés. Des heures pour ramasser les corps en miettes. Il était abasourdi, impuissant devant le carnage, avec, sous les yeux, cette foule indistincte qui venait de perdre tout espoir. Il pensa immédiatement au groupuscule Tigimas. C’était probablement lui qui venait de frapper. Cela faisait des semaines qu’il menaçait de s’en prendre aux civils. Il avait prévenu qu’il ciblerait les gares et les ports, pour empêcher les départs. Tout allait devenir laid.
La Grèce allait être brûlée, piétinée. Elle allait se dévorer elle-même. Il était là, lui, accablé par ce spectacle d’horreur et inutile, parce que loin, déjà si loin, séparé du drame par les bastingages, par la hauteur du bâtiment et par le fait que le capitaine avait ordonné de précipiter le départ et de larguer les amarres au plus vite. Le navire quitta le port avec lenteur. Cela contrastait avec la fureur qui régnait sur les quais. Il resta sur le pont, ne pouvant quitter des yeux, face à lui, la ville qui fumait, souffrait, criait. Les familles, là-bas, comprenaient que les bateaux ne partiraient pas aujourd’hui, qu’elles étaient prises au piège, frappées de tout côté. Il les regarda pendant de longues minutes. Il ne pouvait plus rien, n’était déjà plus l’un d’entre eux. Il savait qu’il ne reviendrait plus. C’était la dernière image d’Athènes qu’il emportait avec lui : une ville à la bouche grande ouverte qui sentait la poudre et le sang. Tout était fini. Il ne serait plus jamais grec. »