Moi, Malaka, fils élevé dans le désert par une mère qui parlait aux pierres, je vais raconter Salina, la femme aux trois exils.
Qui dira l’histoire de Salina, la mère aux trois fils, la femme aux trois exils, l’enfant abandonnée aux larmes de sel ? Elle fut recueillie par Mamambala et élevée comme sa fille dans un clan qui jamais ne la vit autrement qu’étrangère et qui voulut la soumettre. Au soir de son existence, c’est son dernier fils qui raconte ce qu’elle a été, afin que la mort lui offre le repos que la vie lui a défendu, afin que le récit devienne légende.
Salina, les trois exils, a reçu le Grand Prix du Roman Métis 2019, le Prix du Roman Métis des Lecteurs 2019 et le Prix du Roman Métis des Lycéens 2019.
Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque, et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris. À l’époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait des soleils qui faisaient saigner la peau et un désir de vengeance sauvage. À l’époque où le monde a accueilli sa vie, il y avait une enfant venue de nulle part. Elle est née loin, Salina, si loin que personne ne connaît le lieu exact ni de qui elle fut l’enfant, pas même elle. Moi, Malaka, qui dois faire le récit de sa vie pour que le cimetière décide de s’ouvrir ou pas, je choisis de commencer ce jour de marche, à l’autre bout de sa vie, car c’est là que tout débute. Un jour de chaleur épaisse où un village entier a tourné la tête vers les montagnes. Les mots que je vais prononcer, je les tiens de loin. Je n’ai pas connu ces jours rêches de combat. Ma mère me les a racontés mais elle ne s’en souvenait pas non plus. Elle les tenait d’une autre voix : celle de Mamambala. C’est elle qui lui a raconté ce que je vais dire. Moi, Malaka, fils d’une longue chaîne de voix, je reprends le récit d’avant ma vie et de bouche en bouche, de veillée en veillée, je vous fais parvenir ce que fut cette journée. Ne vous fiez pas à ma solitude, nous sommes nombreux dans cette barque : tout un monde se présente à vous par ma voix.
2018 : Lecture de Guillaume Gallienne pour l’émission « Ça peut pas faire de mal », France Inter.