Oui, je suis le grec et le barbare.
Alexandre va mourir. Après avoir battu le grand Darius, conquis Babylone et Samarkand, après avoir construit des villes et fondé un immense empire, il est terrassé par la fièvre. Il ne lui reste que quelques heures à vivre. Il ne tremble pas. Il contemple la mort et l’invite à s’approcher pour lui raconter lui-même ce que fut sa vie.
Alexandre parle et la mort l’écoute. Le laissant revivre l’ivresse de son épopée et ressentir, une dernière fois, le désir. Celui de ne jamais interrompre sa course. De s’enfoncer toujours plus loin, dans des terres inconnues. Le désir de rester toujours fidèle à cette soif intérieure que rien ne peut étancher.
Laissez-moi.
Ne me touchez pas.
Ne m’entourez plus de vos soins.
Je ne veux sentir ni vos onguents ni vos murmures.
Quittez cette chambre.
Que plus personne n’entre.
Qu’elles sortent, les femmes dont vous voulez m’entourer,
Les servantes qui assistent mon corps malade, qui vont et viennent dans leur tunique de lin blanc, tête baissée, changeant les draps et nettoyant mon corps.
Qu’elles sortent mes trois cent soixante cinq épouses que vous avez fait entrer une à une pour qu’elles me disent adieu,
Cortège interminable de lèvres charnues et de fausse compassion.
Qu’elles sortent.
Je les ai faites miennes du temps de ma splendeur.
Je voulais une femme par jour
Pour ne jamais vivre deux fois avec le même visage sous les yeux.
Mais je ne suis plus ce que j’étais.
Dites-le leur.
Que plus personne ne vienne ici pour baiser ma main.
Que plus personne ne viennent tenter sur moi des remèdes nouveaux pour me soulager.
Qu’on scelle cette porte
Et me laisse en paix.
2005 : Création dans une mise en scène de Mohamed Rouabih, au Théâtre National du Luxembourg, avec Carlo Brandt, puis à Liège et au Théâtre du Colombier à Bagnolet.
2007 : Mise en scène de Gilles Chavassieux au Théâtre des Ateliers de Lyon.
2010 : Mise en scène de Michel Didym à Naples, à Théâtre Ouvert, et à la Manufacture de Nancy, avec Tcheky Karyo.
2018 : Mise en scène de Denis Marleau au Théâtre de Quat’sous à Montréal et au Centre National des Arts à Ottawa, avec Emmanuel Schwartz.
Traduction italienne : Simona Polvani
Traduction italienne : Gioia Costa